Les petits producteurs de chocolat durable bientôt en difficultés ?

L’Europe prévoit, pour la fin de l’année 2024, l’obligation pour tous les producteurs de cacao d’assurer la traçabilité de leur produit afin de lutter contre la déforestation. Une initiative louable pour ce qui est de la protection de l’environnement, mais qui risque de mettre en difficultés les petits producteurs.

Chocolat durable : l’Union européenne exigera sa traçabilité

L’Union européenne a adopté en mai 2023 une règlementation visant à obliger les producteurs de cacao à préciser la provenance du cacao qu’ils mettent en vente sur le marché à partir du 30 décembre 2024. Il s’agit d’une avancée vers un chocolat durable en Europe. Conformément aux normes établies par l’Union européenne, les sociétés d’importation sont tenues de déclarer l’origine de leur cacao en utilisant la géolocalisation précise des terrains. Ils doivent croiser ces données de localisation avec des cartographies actualisées de la déforestation postérieures à 2020 pour attester que le cacao qu’ils utilisent n’est pas issu de zones où la forêt a été illégalement abattue depuis cette date. Du côté de l’UE, les mécanismes de contrôle sont opérationnels. Le système Starling, mis au point conjointement par Airbus en 2016, permet déjà de surveiller en continu les changements forestiers via des images satellites.

Une mise en conformité avec la réglementation difficile pour certains professionnels du cacao

L’initiative de l’Union européenne reflète une avancée notable dans la lutte contre le réchauffement climatique et la crise environnementale. Cependant, le cadre actuel de l’offre et la demande, caractérisé par son absence de régulation, ne favorise pas une application juste et pourrait entraîner des conséquences néfastes pour les acteurs les plus vulnérables, notamment les petits exploitants agricoles. En effet, face à un nombre estimé à 5,5 millions de cultivateurs, dont une majorité est basée en Afrique, le contrôle du marché est exercé par un nombre restreint de négociants et de géants de l’industrie chocolatière. Dans des nations dépourvues de système cadastral efficace, nombreux sont les petits producteurs qui acheminent leurs récoltes directement depuis leurs champs ou via des coopératives, sans que l’origine exacte de ces dernières ne soit consignée.

Un manque de mesures d’accompagnement des experts de l’industrie cacaoyère

Les experts et organisations non gouvernementales consultés expriment leur déception vis-à-vis de la discrétion de l’Union européenne concernant les politiques de soutien et de financement, laissant ainsi le secteur s’autoréguler. Cela survient dans un contexte où l’industrie cacaoyèrese prévaut depuis longtemps de l’intense concurrence pour justifier son manque d’action sur les prix. Actuellement, les chercheurs élaborent une proposition de système fiscal incitatif pour les nations productrices comme la Côte d’Ivoire et le Ghana. Le concept repose sur un mécanisme de taxation des exportations de cacao non traçable, dont les revenus seraient réinvestis dans le développement de systèmes de traçabilité. Parallèlement, le cacao dont la provenance est certifiée pourrait bénéficier d’un allègement fiscal à l’exportation.

Les ravages de la déforestation se poursuivent

L’intérêt mondial pour le cacao connaît une ascension notable, avec des prévisions d’accroissement de la demande pouvant atteindre 20 % d’ici à 2025, d’après le Cirad. Cette tendance entraîne l’émergence de nouvelles zones de déboisement, notamment au Liberia et en Sierra Leone, d’où l’importance de cette nouvelle réglementation. En Côte d’Ivoire, bien que la déforestation liée à la culture soit un phénomène bien établi, on estime que presque un tiers de la production provient de forêts protégées. Les prix, bien qu’en légère hausse récente, demeurent insuffisants pour garantir un revenu décent aux cultivateurs. Cette situation économique les incite à convertir de nouvelles étendues de forêts vierges en terres agricoles, faute de ressources suffisantes pour préserver la fertilité de leurs terres cultivées actuelles.